de Varnish La Piscine : Un film sonore
Article par Ismael Banchereau
Prochaine actualité le 24 mars 2023


« Le Regard Qui Tue », est le deuxième projet musical solo de Varnish La Piscine, sorti le 18 janvier 2019 sur le label Colors Records. Varnish La Piscine aka Pink Flamingo, Jephté de son vrai nom, producteur et rappeur Suisse, est un membre éminent de la SuperWak Clique, un collectif d’artistes de Genève. Ce groupe compte d’autres musiciens/rappeurs comme Makala, Di-Meh ou encore Slimka, tous figures montantes du rap francophone.
Conteur né, Varnish nous emmène une nouvelle fois dans son imaginaire débridé et invente pour cet album des personnages qu’il fait évoluer dans un Monaco des années 1960. Pour ce nouvel opus, Varnish réalise un véritable film musical. Dès les premières secondes de l’album, il cherche à créer un paysage sonore et le morceau introductif, « Somewhere in Monaco… », nous plonge en 1960. À la manière d’un générique de film, Varnish présente les invités de l’album comme s’ils étaient des acteurs. Varnish la Piscine incarne ainsi le « rôle » de Sydney Franco, un enquêteur complètement fou, au passé turbulent, parti à la poursuite de Gabrielle Solstice (incarnée par sa complice et artiste Bonnie Banane), jeune femme mystérieuse ayant le pouvoir de tuer tous ceux qu’elle regarde dans les yeux. Colors Records, son label, devient Colors Pictures pour rappeler cette dimension cinématographique. Mais tout ici respire la parodie de film et l’artiste utilise à foison les codes de la série B. La bande son sur laquelle il présente son « générique » est un mélange sirupeux de piano, de harpe et de chants mielleux de sirènes, typique des années 60, le tout enveloppé dans une réverbération excessive. La voix de Varnish, très caractéristique des voix off de l’époque, se termine en fou rire et le flow du rappeur Rico TK reprend le dessus. Déjà, la pochette de l’album annonçait la couleur avec ses personnages plaqués sur un fond dessiné représentant des yeux qui brillent dans la nuit, flottants au-dessus d’une ville éclairée par la lune. Les lettres du titre de l’album, tremblantes, parachèvent la composition, plaçant clairement l’histoire à cheval entre film d’horreur et nanar de science-fiction. Varnish La Piscine aime le cinéma. Les pliures visibles sur la pochette de l’album rappellent d’ailleurs les grandes affiches placardées à l’entrée des salles obscures. Fan depuis longtemps de Tim Burton ou de Michel Gondry, le producteur aime ce côté « un peu barré » que ces réalisateurs proposent dans leurs films. Jephté cite aussi Hitchock, pas forcément pour sa maîtrise du suspense mais pour d’autres aspects un peu étranges : «… Hitchcock surtout, il fait bien vivre ses trucs, et puis, tu sais, les effets spéciaux sont super mal faits, c’est incroyable. ». Oscillant entre Boulevard de la mort de Quentin Tarantino et Les Mercenaires de l’espace de Jimmy T.Murakami, Le Regard Qui Tue de Varnish La Piscine est une aventure sonore qui en plus de s’écouter, se regarde.
Sur le plan musical, Varnish La piscine s’inspire beaucoup d’un artiste tout aussi extravagant que lui : Tyler, The Creator. En effet, Jephté aime son caractère et sa manière de penser la composition de ses morceaux, des productions musicales souvent très complexes qui utilisent des sonorités à la fois d’aujourd’hui et d’antan. Comme chez Tyler, The Creator, on retrouve dans Le Regard Qui Tue des sons de harpes, des cœurs de voix ou encore des synthétiseurs tout droit sortis des années 1970 ou 1980.
Mais c’est Pharrel Williams qui est véritablement pour Varnish la Piscine celui qui lui donne envie de faire de la musique. En effet, le producteur américain aux multiples facettes, repoussant les limites des genres R’N’B, Funk, Rock, Pop, Rap… est un modèle d’inspiration pour Varnish qui n’hésite pas à faire de même dans sa musique. C’est le cas notamment dans le très énergique « FACE TO FACE » en duo avec Bonnie Banane, morceau à la frontière entre Pop, R’N’B et Rap.
Dans son approche d’album concept copiant les codes du cinéma, Le Regard Qui Tue s’inscrit dans une longue lignée de disques qui racontent une histoire inventée du début à la fin. En France, avec Histoire de Mélody Nelson, Serge Gainsbourg avait signé au début des années 1970 un chef d’œuvre qui reste aujourd’hui encore une référence. Dans le rap et le hip-hop français, ce n’est pas non plus une nouveauté. Oxmo Puccino à partir de 1998 racontait des histoires fictives de mafia, de violence, inspirées des films de gangsters ou de films noirs dans ses albums Opéra Puccino ou encore Lipopette Bar avec le groupe The Jazzbastards. Actuellement, ce sont des rappeurs comme Laylow ou SCH, connus pour être les réalisateurs les plus talentueux du rap français avec les albums : Trinity, L’étrange Histoire de Mr.Anderson ou encore JVLIVS. Mais à la différence de ces artistes qui appuient leurs récits sur des problématiques et sujets de société réels, souhaitant ainsi faire passer un message fort, Varnish La Piscine, lui, aime seulement raconter des histoires sans chercher à convaincre personne : « J’ai toujours aimé écouter et raconter des histoires. Depuis l’école, je ne fais que ça, c’est un de mes kifs, quelque chose qui me passionne. J’ai tellement d’histoires dans mon téléphone ». Et pour donner du corps à ses histoires, Varnish s’entoure d’artistes prêts à le suivre dans toutes ses expériences narratives et musicales les plus farfelues, à commencer par Bonnie Banane, sorte de double féminin qui aime aussi créer des personnages et conter leurs aventures. Les invités de l’album, Makala et Rico TK, sont aussi des habitués des concepts de Varnish, prêts à plonger la tête la première dans une création tant originale que farfelue. Même s’il évolue dans un monde de la musique rempli d’artistes tous plus créatifs et inspirant les uns que les autres, Varnish reste malgré tout un enfant cherchant à réaliser musicalement tous ce qui traverse son imagination.
À la manière de Alice au pays des merveilles, ce projet emmène tous ceux qui l’écoutent dans un monde aussi chaotique que drôle, régit par les subtils délires de son créateur et loin des barrières de la vraie vie. Jephté nous prévient d’ailleurs dès l’ouverture : « Cette histoire n’est pas une histoire, cette histoire est une expérience ! », alors ouvrons les oreilles et plongeons dans l’imaginaire foisonnant de Varnish La Piscine.
Sources
Konbini, 2019: https://urlz.fr/icir
TheBackPakerz,2019 : https://urlz.fr/iciu
Yard média, 2019 : https://urlz.fr/iciw
Votre commentaire